PHOTO-GRAPHISMES, "PEINTURES" NUMÉRIQUES
https://www.jean-claude-chirollet.fr/fanny-fougerousse-photo-graphismes-morphogeneses-digitales
Dans ses "photo-graphismes", Fanny Fougerousse combine, de manière neuve, les images photographiques et le dessin numérique sur tablette, ce qui engendre des formes dynamiques et hybrides qui évoquent les thématiques relatives aux images fractales, notamment la multiplication des échelles de grandeur, la chaotisation des figures transitoires, et les bassins d'attraction, spécifiques de la dynamique des formes chaotiques étudiées en physique et en mathématique des systèmes dynamiques. Les photo-graphismes réalisent une certaine forme d'alchimie, par la combinaison de l'image photographique avec les algorithmes de transformation des figures. Il s'agit par cette hybridation des techniques, de créer les conditions d'une "perception augmentée", par laquelle le réel photographié et l'imaginaire simili-pictural du graphisme logiciel sont mêlés de manière subtilement ambiguë. Notamment, les photo-graphismes jouent sur les frontières floues et les transitions ambiguës entre formes animales, végétales et minérales. Or, les frontières floues, les incertitudes "territoriales" continues/discontinues, entremêlées et fluctuantes, constituent la propriété majeure des figures fractales étudiées par la théorie du chaos et des systèmes dynamiques.
Fanny Fougerousse s'exprime en termes fractalistes au sujet de ce "voyage expérimental" entre réalité et imaginaire, à travers le croisement du photographique et du numérique (au moyen de la tablette iPad) :
"Mon travail graphique n'apporte pas de repères dans cet infini chaotique, mais comme des "arrêts sur image", des ordonnancements temporaires. Il propose un voyage expérimental, une déambulation dans l'étrangeté de mondes qui semblent trouver leur vrai lieu dans une interface mutante, mais permanente, et trouver des équilibres instables sur le fil de transitions de phase."


Image 1

Image 2

Les images ci-dessus représentent l'aboutissement d'un travail patient de modifications des formes, remarquable principalement soit sur la partie droite et le ciel dans l'image 1, soit sur la partie gauche et le ciel dans l'image 2. Dans les images suivantes (3 et 4), la scène visuelle réaliste : des tuyauteries industrielles, devient une sorte d'entrelacs fluctuant, à la manière de lianes végétales ou de réseaux de fils torsadés. Le rapport entre le végétal et les images techniques devient flou, indéterminé, de telle sorte que ce mixte digital de formes réalistes et imaginaires crée un univers perspectif visuellement déstabilisé, mouvant en quelque sorte, et par là-même "fractal", au sens d'une variation de perspectives qui se présentent quasi simultanément au regard du spectateur intrigué. Le travail numérique tout en finesse (les retouches sont effectuées avec minutie, au pixel près), aboutit à une bipartition plus ou moins irréaliste et énigmatique de l'image photographique initiale, en créant une déstabilisation des formes et par là-même de l'unité ou de la cohésion de l'image, face au regard plus ou moins erratique.

Image 3

Image 4

Les images suivantes (images 5 et 6) offrent un mixte visuel très étrange de graphisme qui enveloppe, enserre à la manière d'une sorte de filet aux mailles étroites en expansion dynamique - telle une pieuvre -, les figures photographiques originelles. Le travail "photo-graphique" introduit dans l'image photographique initiale des débordements extra-photographiques où l'infographie autonome et la scène réaliste du cliché sont intimement mêlées, devenues pour ainsi dire inextricables. L'impression principale qui s'en dégage est celle d'un entre-deux iconique ou d'une intrication plastique, dans lesquels on ne saurait dire avec certitude si c'est l'image photographique qui prolonge et transforme de manière morphodynamique le dessin numérique, ou si c'est plutôt le graphisme qui happe, tord et transforme à sa guise les figures photographiques. Ces entrelacs "photo-graphiques" au sens littéral du terme, induisent une charge poético-surréaliste. Ces compositions mixtes improbables, car irréalistes, incluent une part importante de hasard interprétatif, continûment renouvelé. Il s'agit en définitive - pour celui qui les regarde dans l'errance de la vision patiente et interrogative - d'une forme de "méditation photonumérique", exprimée par le geste plus ou moins imprévisible qui conduit le stylet sur la tablette graphique.

Image 5

Image 6

Où est la réalité proprement photographique? Où est la réalité imaginée à partir de la photo initiale? La chaotisation transformationnelle du regard l'emporte sur la stabilité de la perspective euclidienne des images photographiques habituellement considérées comme des reflets du réel avec ses proportions, sa description objective et ses qualités matérielles propres. Il s'agit là d'un "photo-graphisme" numérique (au sens littéral du terme) jouant sur les métamorphoses de la photo "brute" initiale, considérée comme le terrain d'expérimentations plastiques, où les jeux de perspective créent des illusions flottantes et inopinées, entre le sens du réel photographique prétendument "objectif" et l'impression d'une transition vers un possible purement imaginé mais en interdépendance évidente, cependant, avec l'image initiale "brute" du réel photographié.

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